Les mots privés d’un homme public: deux lettres/deux poèmes de Louis Riel
Posted: January 11, 2014 Filed under: French | Tags: Louis Riel: homme politique canadien Comments Off on Les mots privés d’un homme public: deux lettres/deux poèmes de Louis Riel.
Louis Riel (1844-1885), un homme politique métis, né à Saint-Boniface (Colonie de la rivière Rouge), est le fondateur de la province du Manitoba, Canada. Il a dirigé deux mouvements de résistance contre le gouvernement canadien de John A. Macdonald dans le but de protéger les droits des Métis. En 1885, il est arrêté et exécuté par pendaison. L’année suivante, son seul recueil, Poésies religieuses et politiques, paraît à Montréal. Riel est la grande personnalité canadienne du XIXe siècle.
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Louis Riel: une lettre à son épouse, Marguerite Riel
16 novembre 1885
Ma bien chère Marguerite,
Je t’écris de bon matin. Il est à peu près une heure. C’est aujourd’hui le 16 : un jour bien remarquable.
Je t’envoie mon bon souvenir. Je te conseille aujourd’hui selon la charité que tu m’as connue à ton égard. Aie bien soin de tes petits enfants. Tes enfants sont encore plus à Dieu qu’à toi. Efforce-toi de leur donner les soins les plus conformes à la religion, fais-les prier pour moi.
Ecris souvent à ton Bon Papa. Dis-lui que je ne l’oublie pas un seul jour. Qu’il prenne courage. La vie paraît triste parfois, mais dans le temps où elle nous semple plus triste c’est quelquefois là même qu’elle est plus agréable à Dieu.
Louis “David” Riel.
Ton mari qui t’aime en notre Seigneur.
J’écris un mot de charité selon le Bon Dieu, à mon petit, petit Jean; un mot de charité, de tendresse aussi à ma petite, petite Marie-Angélique.
Prenez courage. Je vous bénis.
Votre Père
Louis “David” Riel.
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Lettre à sa Mère
Prison de Regina.
15 novembre 1885
Bien chère Maman,
J’ai reçu votre lettre avec votre sainte bénédiction. Hier matin, le Bon Père André à attaché votre lettre au-dessus de l’autel: et il a dit la sainte Messe pour moi, en action de grâce et en l’honneur de Marie Immaculée, en me tenant pour ainsi dire lui-même à l’ombre de votre bénédiction. Ce matin, le Bon Père a pris la lettre de votre bénédiction; il me l’a mise sur la tête, au moment de la messe où comme célébrant, il donne la bénédiction; et c’est ainsi qu’unissant sa bénédiction à la vôtre, il a répandu sur moi les grâces de la messe et l’abondance des biens spirituels et temporels que vous implorez en ma faveur, en faveur de ma chère épouse, de mes chers petits enfants, de mes frères et soeurs bien-aimés, de mes beaux frères et belles-soeurs chéris, de mes neveux et de mes nièces qui me sont tous très chers.
Chère Maman, Que ma prière de fils-aîné, que mes voeux et mes prières de serviteur du Bon Dieu montent jusqu’à notre Seigneur Jésus-christ, jusqu’au trône de Marie toujours Vierge et de Saint Joseph mon cher et grand protecteur; et que la miséricorde, la consolation surabondante de Dieu, de tout ce que nous avons de cher et de plus cher dans le paradis descendent sur vous pour toujours.
Soyez bénie de génération en génération à cause de la grande bénédiction que vous avez versée sur moi et sur ma famille aussi bien que sur tous mes chers frères et soeurs, Beaux-frères et belles-soeurs, neveux et nièces.
Soyez bénie de génération en génération pour avoir été bonne mère à mon égard.
Que votre foi, votre espérance ferme et votre charité exemplaire soient comme des arbres chargés de fruits excellents, en présence de l’avenir. Et lorsqu’arrivera votre dernier jour, que le Bon Dieu soit tellement avec vous que votre pieux esprit laisse la terre sur les ailes de l’amour des choses du ciel.
Il est deux heures après midi, le Bon Père André m’a dit ce matin de me tenir bien prêt pour demain. Je l’écoute, je lui obéis. Je me prépare à tout, selon son conseil et sa vive recommandation.
Mais le Bon Dieu m’aide à me tenir en paix et en douceur comme l’huile dans un vase que rien ne dérange.
Je fais tout ce que je peux pour me tenir prêt à tout événement en me conservant dans un calme inaltérable, suivant la pieuse exhortation du vénéré Archevêque Ignace Bourget.
Hier et aujourd’hui j’ai prié Dieu de vous rassurer de bonne heure et de vous faire arriver à tous la consolation la plus douce afin que vos coeurs ne soient pas trop durement dans l’inquiétude et la souffrance.
Je vous embrasse tous avec la plus grande affection.
Vous chère maman, je vous embrasse comme doit faire un fils dont l’âme est pleine d’amour filial.
Vous ma chère épouse, je vous embrasse comme doit le faire un époux chrétien, selon l’esprit catholique de l’union conjugale.
Mes chers petits enfants, je vous embrasse comme doit le faire un père chrétien, en vous bénissant selon l’étendue de la miséricorde divine, pour la vie présente et pour la vie future.
Vous mes chers frères, et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, neveux et nièces, parents, proches et amis, je vous embrasse avec tous les bons sentiments dont mon coeur est capable. Soyez tous heureux.–chère maman,
Je suis votre fils affectueux soumis et obéissant
Louis «David» Riel.
(Archives de la Société historique de Saint-Boniface)
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La mouche et l’enfant
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Une mouche tapageuse
Courait dans une maison.
Elle allait en large, en long,
Dans tous les sens, au plafond,
Affectant la furieuse
Se promenant sans façon
Ou eût dit la ménagère
Soignant tout son ordinaire.
Un enfant à ses joujoux
Entendant la voyageuse
Ah! Tu vas avoir des coups
Cria-t-il à l’ennuyeuse.
Sitôt dit, sitôt en frais.
Et de ses cabriolets,
Il court, saute, cherche, frappe.
S’acharne, crie et poursuit.
La mouche se rit de lui.
Grâce à son aile elle échappe.
Par maints tours à maints détours.
Elle l’évite toujours.
Un coup à la fin l’attrappe (sic).
Et l’écrase sur le mur.
Le sang jaillit. Chaque membre
Pandit (sic) au pan de la chambre
Destin pitoyable et dur!
Gens prétentieux, frivoles
Par un fait, par des paroles
Apprenez qu’il n’est pas sûr
Defaire bruit dans le monde.
Redoutez que cela plutôt ne vous confonde.
Mon Sauveur
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Ô Jésus-Christ ! je veux n’entendre
Et n’écouter que votre voix.
Je veux obéir et me rendre
En tout, à l’Esprit de vos lois.
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Je m’attache à vous : je veux suivre
Le sens de vos instructions.
Guidez-moi : je ne veux pas vivre
Au gré de mes illusions.
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Dans l’état actuel des choses,
Vous vous cachez dans l’univers,
Comme, dans les rosiers, les roses
Se cachent durant nos hivers.
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Vous ne parlez plus à la terre
De vive voix comme jadis :
Vous lui parlez avec mystère
Du sein de votre Paradis.
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L’homme le plus sage a beau dire,
Si votre esprit divin et grand
Ne parle au sien et ne l’inspire,
Il ne vivra qu’en s’égarant.
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Vous parlez tout bas à son âme.
Personne ne s’en aperçoit :
Vos lèvres sont comme la lame
Du zéphir : aucun ne les voit.
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Parlez à ma conscience.
Vous êtes, en vérité,
Le Christ de ma confiance,
Le Christ de la charité !
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Prisonniers Métis et Amérindiens après la Rebellion du Nord-Ouest en août 1885. À partir de la gauche: Ignace Poitras, Pierre Parenteau, Baptiste Parenteau, Pierre Gariepy, Ignace Poitras Jr., Albert Monkman, Pierre Vandal, Baptiste Vandal, Joseph Arcand, Maxime Dubois, James Short, Pierre Henry, Baptiste Tourond, Emmanuel Champagne, Kit-a-wa-how (Alex Cagen, ex-chef des indiens du Lac Muskeg)
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Pour un autre poème par Louis Riel veuillez cliquez sur le lien:
https://zocalopoets.com/2012/01/11/louis-riel-poeme-pour-sir-john-a-macdonald/
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