” Cette liberté d’écrire est une force étrange! ” : Six poètes du Nigeria
Posted: September 27, 2012 Filed under: Dan Anace, Ewi Adebayo Faleti, French, John Pepper Bekederemo Clark, Onookme Okome, Onuora Ossie Enekwe, Regina Eziagulu Obakhena | Tags: Poètes nigériens Comments Off on ” Cette liberté d’écrire est une force étrange! ” : Six poètes du Nigeria
John Pepper Bekederemo Clark
(né en 1935)
Abiku*
*(Selon une croyance Yoruba, l’Abiku est
l’enfant qui ne cesse de mourir et renaître.)
.
Tu vas tu viens depuis tant de saisons
Reste donc dehors sur le baobab
Suis où tu veux tes esprits familiers
Si la maison ne peut pas tu suffire.
C’est vrai, elle fuit, le chaume
Laisse passer le flot lorsqu’il déborde
Et les chauves-souris, les chouettes
Souvent la nuit s’engouffrent sous le toit.
Et quand vient l’harmattan les parois de bambou
Sont toutes prêtes pour le feu
Qui sèche le poisson sur les claies.
Elle a été pourtant la réserve salubre
De bien des doigts, et tant d’autres viendront
Tendus vers le soleil.
Cesse donc enfin d’enjamber notre seuil
Entre et demeure pour de bon.
Nous le savons, les cicatrices
Qui te strient le ventre et le dos
Comme par le bec de l’espadon
Et tes deux oreilles marquées
Comme d’un esclave domestique
Sont les traces de tes premiers passages.
Alors entre, entre pour de bon
Car ta mère a le corps fatigué
Fatigué, et le lait a surgi
Où tant de bouches réjouissent le coeur.
.
Traduit de l’anglais par Etienne Galle
*
Ewi Adebayo Faleti
(né en 1935)
Le Silence du Poète
.
Le jour où vous voyez un poète qui se tait
Ne soyez pas fâchés, il parle en son coeur.
Le jour où vous rencontrez un poète qui ne parle pas,
Ne soyez pas fâchés, il parle en son coeur.
Mais qui connaît les pensées du poète?
Qui peut connaître les pensées dans le coeur du sage?
Qui peut connaître le chant au bord des lèvres du chanteur?
L’eau qui n’impressionne pas le fermier,
Peut atteindre le coeur du poète, devenir océan,
Elle peut atteindre le coeur du poète, devenir lagune.
El la tempête qui connaît l’océan et la lagune,
Peut atteindre le coeur du poète
Et devenir brise.
Le coeur du poète accepte la lie,
Et il accepte le limon
Et l’eau claire de la source.
Mais si vous rencontrez un poète
Qui a la tête a l’envers et se tait
Ne soyez pas fâchés, ne dites pas de mal de lui.
En son coeur, le poete parle.
.
Traduit de Yoruba par Michka Sachnine
*
Onuora Ossie Enekwe
(1942 – 2010)
Avant la Guerre
.
Bêtes de la jungle
aux ongles de feu
surgissant bondissant
morsure et mare de sang
Dans la cité
langues d’acide
visages de flamme
regards de braise
Le poison pullule
au coeur de la nuit
les sorcières et les vautours copulent.
. . .
Après la Guerre
.
Dans la sombre cité des morts
par les rues solitaires
les chiens aboient sur les ombres rampantes
Par-dessus la rivière des murmures
le vent hurle ses saluts
Sous un lit
du village désert
un cadavre criblé de balles
mûrit ses os.
.
Traduit de l’anglais par Etienne Galle
. . . . .
Dan Anace
Shago
.
Le monde est un lieu où on laisse les autres
le monde est la danse des filles
celui qui est devant s’en va derrière
à l’heure du champion il n’y a qu’un champion
à l’heure des uns il n’y en a pas d’autres
un jour, par Allah, un autre jour
ce sera les autres, ce ne sera plus nous
et même si nous sommes là, ce sera sans force
et nous serons assis à côté de l’arène
et nous nous contenterons de crier
ce monde m’est doux aujourd’hui
ce monde un autre jour me sera amer
alors je serai mort ou vieillissant
un jour tu me verras incapable de jouer
les jours passent
Allah mène le jeu
par Allah, un jour, un autre jour
les jours passent, un homme s’en est allé
d’autres jours passent, un homme s’en est allé
et tu entends les proches qui pleurent
et c’est le jour où l’on partage ses biens.
.
Traduit du Haoussa par Etienne Galle
*
Regina Eziagulu Obakhena
Calamité
.
Tout comme la rosée sur la montagne
Tout comme l’écume sur la lessive
Tout comme l’inondation
Tout comme la tornade
Tout comme les pluies torrentielles
La Véracité s’en est allée
Les humains sont devenus des bêtes dans l’énorme forêt.
. . .
Le Bon Roi
.
Le roi te demande de parler
De dire ce qui est bon pour l’oie et pour le jars
La joie du peuple est la probité du roi
Notre roi l’a promis:
“La buse se perchera,
L’aigle se perchera”.
Le village qui aime le roi aime Dieu
Le village qui combat pour le roi combat pour Dieu
Le roi qui aime ses sujets pleure la mort du plébéian.
.
Traduit d’après une traduction anglaise de l’auteur
par Etienne Galle
*
Onookme Okome
(né en 1960)
Mon coeur a dit des choses
.
Cette liberté d’écrire est une étrange force!
Soudain sur une étrange idée suppliant
j’entends s’ouvrir un coeur,
puis choir prudentes les pages réprimées
du coeur,
je vois un peuple perdu dans la contrainte des choses
sans espoir, et je sais:
.
le silence en mon coeur a dit des choses
que je n’ai pas notées au registre sénatorial:
Je me rappelle la dernière saison, nous récoltions
les rires déchaînés dans les granges, maintenant
les poutres sont désertes; remplies de visages abattus.
.
Cette liberté d’écrire est une force étrange!
La légèreté de l’être m’entraîne
en cette folie
qui me laisse libre d’écrire.
.
Traduit de l’anglais par Etienne Galle
. . . . .
Tous les poèmes: d’une anthologie par Bernard Magnier
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