Poèmes érotiques: George, Georges, Aimé, Cilick, Abdellatif, Yfig, Christian et Sophie

Femme nue au collier_Nude woman with necklace_Pablo Picasso, 1968

Femme nue au collier_Nude woman with necklace_Pablo Picasso, 1968

George Sand (Amantine Aurore Lucile Dupin, 1804-1876)

Lettre à Alfred de Musset”

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Je suis très émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir aussi
vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite.
Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l’affection
la plus profonde comme la plus étroite
amitié, en un mot la meilleure preuve
que vous puissiez rêver, puisque votre
âme est libre. Pensez que la solitude où j’ha-
bite est bien longue, bien dure et souvent
difficile. Ainsi en y songeant j’ai l’âme
grosse. Accourez donc vite et venez me la
faire oublier par l’amour où je veux me
mettre.

. . .

Georges Bataille (1897-1962)

Je mets mon vit contre ta joue”

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Je mets mon vit contre ta joue
le bout frôle ton oreille
lèche mes bourses lentement
ta langue est douce comme l’eau

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ta langue est crue comme une bouchère
elle est rouge comme un gigot
sa pointe est un coucou criant,
mon vit sanglote de salive

.

ton derrière est ma déesse
il s’ouvre comme ta bouche
je l’adore comme le ciel
je le vénère comme un feu

.

je bois dans ta déchirure
j’étale tes jambes nues
je les ouvre comme un livre
où je lis ce qui me tue.

. . .

Aimé Césaire (1913-2008, Martinique)

Bateke”

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De ton corps farineux où pompe l’huile acajou des rouages précieux

de  tes  yeux à marées

de ton sexe à crocus

de ton corps de ton sexe serpents nocturnes de fleuves et de cases

de ton sexe de sabre de général

de l’horlogerie astronomique de ton sexe à venin

de ton corps de mil de miel de pilon de pileuse

d’Attila de l’an mil casqué des algues de l’amour et du crime.

. . .

Cilick (née en 1936)

Sur mon clicli”(1975)

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Sur mon clicli, mon clitoris,
Il jouait de la mandoline.
A gros têtons qui criaient bis,
Vibrait ma caisse un brin câline.
.
La chair de poule, en tournevis,
Titillait ma toison coquine.
Sur mon clicli, mon clitoris,
Il jouait de la mandoline.
.
Sitôt qu’il chantait mon pubis
Dégoulinant de trappistine*,
Moi, je flûtais, pine et babine,
Pour qu’il gueule un de profundis,
Sur mon clicli, mon clitoris.

.

* liqueur fabriquée par les moines trappistes

. . .

Abdellatif Laâbi (né en 1942, Maroc)

Les Fruits du Corps”(2003) – Extrait

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Misérables hypocrites
qui montez au lit
du pied droit
et invoquez le nom de Dieu
avant de copuler
De la porte
donnant sur le plaisir
vous ne connaîtrez
que le trou aveugle
de la serrure.

. . .

Yfig

Mon souvenir de vous”
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Mon souvenir de vous
Je suis à vos genoux
Sans culpabilité
Et réciprocité
.
Je suis venu vous dire mon souvenir de vous
Dans ma mémoire incertaine vous êtes un peu floue
Images parfums vocales touchés et saveurs
De toutes ces valeurs j’en oublie les couleurs
.
Je suis à vos genoux
Mon souvenir de vous
Sans culpabilité
Et réciprocité
.
Ma dernière vision votre premier regard
Ma plus grande illusion mon premier désespoir
Votre corps imparfait présent sans condition
Vos jambes enlacées à mon corps d’abandon
.
Sans culpabilité
Je suis à vos genoux
Et réciprocité
Mon souvenir de vous
.
Vous fûtes si parfaite j’en perdis la raison
Ma langue entre vos cuisses pulpait votre toison
Mon doigt curieux inspectait votre intimité
Vous vous laissiez ausculter sans formalité
.
Mon souvenir de vous
Je suis à vos genoux
Sans culpabilité
Et réciprocité
.
De votre vagin me fîtes hospitalité
En amante experte me fîtes succomber
Mon sperme voluptueux s’épandit chaleureux
Sans autre retenue de votre amant heureux
.
Sans culpabilité
Je suis à vos genoux
Et réciprocité
Mon souvenir de vous.

. . .

Christian Rabussier (né en 1969)

Le chant du clitoris” (2011)

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Quand je suis dans tes bras

Tu ensorcelles mon corps,

Embaumant ma peau,

Par tes douces caresses,

Tu formes cette enveloppe

Qui protège mon âme

De mes démons,

Ancrés dans ma peau.

Quand je suis dans ton lit

J’aime entendre le chant du clitoris,

Enfoui dans ta flore sauvage.

Chaude et humide.

Paysage imaginaire,

Issu de tes fantasmes.

Quand je suis dans tes draps,

Doucement je fonds en toi,

Je m’incorpore dans ton corps.

Cherchant dans tes pensées

Les paroles de ce chant mélodieux.

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Sophie Rabussier

Baiser intense”

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Un soir d’été,

Il faisait chaud

Nous étions là,

Enlacés les bras dans les bras l’un de l’autre

À nous regarder tendrement

Mourant d’envie de nous embrasser

Soudain nos corps n’en peuvent plus

Lassés d’attendre

Le plaisir laisse place à la tentation

Et passent à l’action

Ses mains caressaient mes seins

Nos langues s’entremêlent

Ses doigts enlaçaient mes cheveux

Descendent petit à petit jusqu’à mon cou

La passion le saisit à ne plus pouvoir s’arrêter

Son âme si excitée

N’en pouvait plus

Il continue de longer tout le long de mon corps

Il en désirait encore

son sexe

Se dresse d’un coup

Impossible

D’attendre plus longtemps

Il en voulait encore et toujours plus

Il devenait de plus en plus vorace

Quand tout à coup

Je le sens qui commence

À me pénétrer

Aussi tendrement

Qu’il savait le faire

Un plaisir intense envahie mon âme

À me rendre ivre de bonheur.

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