Nous connaissons le secret de la petite épinette / We know the secret of the little spruce: poèmes d’une Aînée Crie / poems of a Cree Elder
Posted: June 1, 2013 Filed under: English, French, Margaret Sam-Cromarty Comments Off on Nous connaissons le secret de la petite épinette / We know the secret of the little spruce: poèmes d’une Aînée Crie / poems of a Cree Elder.
Margaret Sam-Cromarty (née à l’île Fort George, La baie James, Québec, 1936)
“Un étranger très élégant”
.
Un jour, dans un village nordique,
tout le monde se préparait
en vue du départ
pour la chasse printanière.
Vers le début de la soirée,
les enfants en train de jouer ont commencé à crier:
“Nous voyons venir un étranger.
Il est bien habillé.”
.
En effet, l’étranger était saisissant.
Personne ne semblait le connaître.
Les jeunes filles tournaient autour de lui…
les mouches aussi.
.
On l’invita à l’intérieur de la tente.
La chaleur du feu de camp
mit l’étranger mal à l’aise.
Tout le monde se demandait pourquoi.
.
Souriant aux jeunes filles,
il sortit prendre l’air.
Une mauvaise odeur flottait derrière lui
et les mouches lui bourdonnaient tout autour.
.
Les jeunes filles voulaient qu’il reste
mais il est parti comme il était venu.
Bientôt il disparut,
laissant les jeunes filles à leur tristesse.
.
L’une d’entre elles suivit ses traces
qui la menèrent à un tas de fumier.
La chaleur avait fait fondre l’étranger.
Les mouches bourdonnaient et chantaient:
“Merde et vielles guenilles,
merde et vielles guenilles,
s’étaient changées en homme!”
. . .
“The Handsome Stranger”
.
Once in a northern village
people were making ready
to move away
for the spring hunt.
.
Now it was towards evening
when children at play began to shout
“We see a stranger coming.
He is smartly dressed.”
Indeed the stranger was striking.
No one seemed to know him.
The young girls hung around him.
So did the flies.
.
He was invited inside the tent.
The heat from the campfire
made the stranger uncomfortable.
Everyone wondered why.
.
Smiling at the girls
he went outside for the air.
The stranger left a wave of smell
and buzzing flies behind.
.
The young girls wanted him to stay
but he left the way he came.
Soon he disappeared,
leaving the girls sad.
.
One of them followed his tracks
until they led to manure.
He had melted from the heat.
Flies buzzing around sang:
“Shit and old rags,
shit and old rags,
turned himself into a man.”
. . .
“Un garçon”
.
Des cheveux noirs comme du jais
qu’il avait de naissance,
Des yeux noirs
qui brillaient d’un amour chaleureux.
.
De mains fines,
de bonnes mains de musicien.
Ce garçon a découvert
que grandir était douloureux.
.
Il préférait attraper des grenouilles,
taquiner sa soeur,
serrer ses bras
autour de sa mère.
.
Il a grandi,
aussi grand qu’un arbre.
Une personne gentille,
ce garçon qui est le mien!
. . .
“Boy”
.
His jet black hair
he had from birth
His dark eyes
flashed loving warmth
.
His fine shaped hands
right for a musician
This boy who found
Growing up a pain
.
He’d rather catch frogs
tease his sister
Throw his arms
around his mother
.
He has grown
tall as a tree
A gentle person
this boy of mine
. . .
“Une fille”
.
Une fille aux yeux noirs et brillants,
au sourire doux et timide,
à la peau fine cuivrée,
qui n’a pas besoin du soleil d’été.
.
Elle avait
de longs cheveux d’ébène.
Plusieurs étaient d’accord:
elle était belle.
.
C’était le vent.
C’était le ciel.
C’était ma fille…
Mary.
. . .
“Girl”
.
A girl her dark eyes bright
Her smile shy and sweet
Her fine copper skin
needs no summer sun
.
She was blessed
with long raven hair
many agreed
she was fair
.
She was wind
She was sky
She was my daughter
Mary
. . .
“Maman”
.
Une mère
passe à travers
les rejets, les dépressions,
la solitude et les critiques.
.
C’est une femme courageuse
douée d’un humour fin.
Une créature qu’on appelle
Maman.
. . .
“Mother”
.
A mother
goes through
rejections, depressions
.
Loneliness and criticism
.
A courageous woman
with gentle humour,
a creature known as
Mother
. . .
“Maris et Femmes”
.
Le mari est le ciel
et la femme le nuage.
.
Parfois le ciel
apporte le vent
et le nuage une pluie rafraîchissante.
.
Parfois les nuages
se regroupent
et apportent orages et vents.
Maris et femmes font de même.
.
Maris et femmes dérivent séparément
comme les nuages le font parfois.
Mais au milieu de nuages gris,
jaillit le ciel bleu clair.
.
Comme les nuages se rassemblent
pour former le temps,
ainsi font maris et femmes
pour mener leurs vies.
.
Les anneaux autour du soleil
nous rappellent le mauvais temps.
Les anneaux du mari et de la femme
scellent un amour infini.
. . .
“Husbands and Wives”
.
Husband is the sky
a wife the cloud
.
Sometimes the sky
brings wind,
the cloud a refreshing rain
.
Sometimes the clouds
form to gather
It brings storms and winds
Husbands and wives do the same
.
Husbands and wives drift apart
like clouds sometimes do
But between the greyish clouds
burst bright blue skies
.
As the clouds come to gather
to create our weather
So do husbands and wives
carry on with their lives
.
The rings around the sun
remind us of bad weather
The rings of husbands and wives
shield a love forever
. . .
“La gentillesse”
.
La gentillesse, c’est faire cuire de la banic,
mélanger la farine et la levure.
Il faut y mettre de l’eau.
.
Pour faire une bonne banic,
on y ajoute de l’huile.
Dans nos vies,
on a besoin de la gentillesse.
.
La gentillesse est comme les graines.
Beaucoup se perdent.
Pas de graine,
Pas de gentillesse.
. . .
“Kindness”
.
Kindness is baking bannock
blending flour, baking powder
It’s natural to put water
.
A good bannock
oil is added
In our lives
kindness is needed
.
Kindness is like grain
many are lost
without grain
without kindness
. . .
“La Paix”
.
Trouvez la paix dans le silence,
le silence qui règne ici.
Le vent froid
purifie la terre.
.
La splendeur.
Il n’y a pas de terreur.
Des tiges de plantes séchées se tiennent
bien droites.
.
Écoutez le vent impétueux.
Regardez les sentiers blancs, les grands cercles,
la rivière tranquille,
le ciel, bon et puissant.
. . .
“Peace”
.
Find peace in silence
Silence it reigns here
The cold wind
Purifies the land
.
The splendour
There is no terror
Stalks of dried plants stand
upright
.
Hear the rushing wind
See the white paths, the wide circles
A quiet river,
the sky, bold and good.
. . . . .
Quelques pensées de la poétesse:
Mon père et ma mère étaient des Cris. Ils vivaient à la baie James. C’est là que je suis née, dans le village de l’île Fort George, où la rivière La Grande se jette dans la baie James. J’ai appris à parler et à écrire l’anglais. Les Cris sont des chasseurs et des trappeurs…Nous comprenons les animaux et les oiseaux…Nous connaissons le secret de la petite épinette…Et nous écoutons nos frères et soeurs comme nos Aînés nous l’ont enseigné… (Maintenant) nous vivons à Chisasibi… Et c’est aussi là que grandissent nos petits-enfants… Dans ma mémoire vibre encore le village de Fort George, un village qui n’a pas été inondé ni abandonné et qui est plein de Cris joyeux. C’est de cette façon que je veux me rappeler l’île de Fort George…
Some thoughts from the poet:
My father and mother were Cree. Their home was James Bay in Northern Québec. This is where I was born, at a Cree village of Fort George Island, where the La Grande River empties into James Bay. I was taught to speak and write English. My people, the Crees, are hunters and trappers… We understand the animals and birds… We know the secret of the little spruce… And we hear our brothers and sisters the way our Elders taught us… (We) now live in a town called Chisasibi… Our grandchildren are growing up in Chisasibi… In my memory stands a Cree village of Fort George not flooded or abandoned but full of happy Crees… It’s the way I would like to remember Fort George Island…
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Editor’s note: Chisasibi or ᒋᓴᓯᐱ in Cree syllabics (meaning Great River) is a town created by the Québec government to relocate Crees who were forced from their James Bay watershed lands (including Fort George Island) because of damming/redirecting of tributary rivers flowing into the La Grande River as part of Hydro-Québec’s James Bay Project which began in the 1970s and continues into the present day.
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